Article du journal français "Le Monde" :
La nouvelle ne pouvait pas tomber à un plus mauvais moment. Le timing choisi par les dirigeants de la WUSA, le seul championnat professionnel de football féminin de la planète, pour annoncer la cessation d'activités de leur ligue, lundi 15 septembre, à quelques jours de l'entame de la Coupe du monde féminine, a choqué la plupart des responsables du soccer, le nom américain du football.
"Je comprends les exigences du business, mais les propriétaires auraient dû prendre leur décision à la fin de la Coupe du monde", s'est ainsi indigné Bruce Arena, entraîneur national de l'équipe masculine des Etats-Unis. Mais l'endettement de la WUSA était tel que ses dirigeants ne pouvaient se permettre d'attendre la finale du 12 octobre et de très hypothétiques retombées économiques.
Le succès de la Coupe du monde 2003, qui débute samedi 20 septembre, n'est pas garanti. Certes, l'édition 1999, remportée par l'équipe américaine devant son public, avait été une énorme réussite. Mais, disputée pendant l'été, l'épreuve avait eu le base-ball pour seul concurrent. La finale, jouée au Rose Bowl de Pasadena (Californie) devant 90 000 personnes, avait été suivie par 40 millions de téléspectateurs.
Les données de l'édition 2003 sont bien différentes. Diffusée sur les chaînes ABC et ESPN, la Coupe du monde va subir la concurrence de la NFL, la ligue professionnelle de football américain (le sport le plus populaire aux Etats-Unis), du football américain universitaire et des phases finales du championnat de base-ball.
Pourquoi avoir organisé la compétition à une telle période ? La Fédération internationale de football (FIFA) n'a pas vraiment eu le choix. Au mois de mai, inquiètes des conséquences de l'épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) frappant l'Asie et notamment la Chine, qui devait organiser cette édition de la Coupe du monde, les instances du football se sont tournées vers les Etats-Unis. Montée au pied levé, la compétition va voir seize équipes, dont pour la première fois la France, se disputer le titre mondial.
Qui va suivre cette Coupe du monde ? D'après une enquête réalisée par US Soccer, la Fédération américaine de football, le football compte 17,7 millions de pratiquants aux Etats-Unis, dont 8 millions de femmes. Le potentiel existe donc bel et bien. Environ 200 000 tickets sur les 600 000 disponibles ont déjà été vendus. Mais la simple observation du comportement des spectateurs américains lors d'un match de la WUSA pousse à émettre des doutes quant à l'avenir du soccer professionnel aux Etats-Unis.
Si, sur le reste de la planète football, il est rare de voir un spectateur quitter son siège pendant une rencontre, il n'en va pas de même aux Etats-Unis. Lors d'un récent match des Philadelphia Charge, le club de Marinette Pichon (l'une des deux joueuses françaises de la WUSA avec Stéphanie Mugneret-Béghé à Boston), le maigre public était sans arrêt en mouvement. Les plus jeunes sont attirés par les animations proposées à proximité du stade, les parents vont perpétuellement chercher à boire ou à manger.
Plus étonnant : en pleine phase offensive des Charge, le speaker du stade a soudain pris le micro et hurlé : " Qui veut gagner un tee-shirt ?" Et, alors que les enceintes vibraient sous le rythme du YMCA des Village People, le service d'animation du club distribuait des maillots à des supporteurs qui ne portaient plus aucune attention au match en train de se dérouler.
"Le soccer n'est pas un sport très regardé dans notre pays, explique Don Garber, président de la Major League Soccer (MLS), le championnat professionnel de football masculin. La MLS marche plutôt bien, et encore... Mais la triste réalité est que le sport féminin en général a du mal à se créer une identité et n'attire personne aux Etats-Unis."
Alors que la WUSA compte dans ses rangs les meilleures joueuses du monde - 43 joueuses de la ligue disputent la Coupe du monde 2003 -, la compétition n'a jamais suscité l'intérêt des sponsors. Depuis sa création, en 2001, les propriétaires de la WUSA ont injecté à perte 100 millions de dollars. Tout aura été tenté pour sauver le championnat. A l'orée de la saison 2003, les joueuses avaient même accepté une baisse moyenne de leurs salaires de 25 % (certaines vedettes allant jusqu'à plus de 40 %) et les effectifs avaient été réduits de dix-huit à seize joueuses par club. En vain.
Les audiences télévisées, qui affichent une moyenne catastrophique de 115 000 foyers par rencontre (soit un taux de 0,1 %), n'ont jamais permis de générer des contrats publicitaires. " La télévision ne fait pas de sentiment, explique Bob Contiguglia, le président de la Fédération américaine de soccer. Elle n'a qu'une seule exigence et ne pose qu'une question : comment générer des revenus ?" Une question à laquelle les responsables du football féminin n'ont toujours pas trouvé de réponse.
Regard français sur le foot féminin aux USA
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