Turbulences référendaires
Publié : 05 janvier 2006 16:23
Éditorial de monsieur Georges Schwartz dans le mensuel Québec Soccer de janvier 2006
En période électorale il est rare que le sport soit d'actualité. Mais cette fois-ci le chef conservateur Stephen Harper propose une déduction d'impôt aux parents d'enfants qui font du sport, tandis que Gilles Duceppe, le chef bloquiste, relançaient l'idée de la participation d'une équipe du Québec aux compétitions internationales de hockey.
Cette dernière suggestion, assortie des gardiens de buts Martin Brodeur, Roberto Luongo et José Théodore, était relevée par le magazine Sports Illustrated du 12 décembre. Et comme toute incursion américaine dans la sphère internationale, le commentaire voulant qu'une telle initiative viole les règlements de l'IIHC, nageait dans la confusion. D'autre part dans ses mémoires, l'ancien ambassadeur américain à Ottawa, Paul Celluci, désigne Gilles Duceppe de «politicien canadien qui m'a le plus impressionné, car il a donné la bonne réponse à une colle sur le baseball majeur que même le président George W. Bush n'a pu résoudre.» Et La Presse qualifiait récemment Duceppe de grand amateur de rugby-football canadien. Pas de doute, c'est un érudit des sports nord-américains !
L'EXEMPLE DU FOOTBAL
Dans son livre Keeping Score, l'auteur Colin Jose rapporte qu'à partir de 1921 les sélections de Montréal et plus tard du Québec jouèrent ici même des matchs amicaux de football contre des équipes nationales telles que l'Écosse, l'Angleterre, le Pays de Galles, et plus récemment Haïti, le Guatemala, et cetera. Ceci sans compter les innombrables matchs joués contre des clubs visiteurs étrangers. Un résultat entre, dont ni Duceppe ni Celluci ni Sports Illustrated n'ont sans doute jamais entendu parler, qui devrait plaire au chef bloquiste : en avril 1975 au Stade Molson, la sélection du Québec battait l'équipe olympique du Canada 2 à 1. Puis en 1985 au même endroit, les Québécois faisaient match nul 1-1 avec l'équipe du Canada en voie de participer pour la seule fois de son histoire, en 1986, au tournoi final de la Coupe du Monde. Ces matchs mémorables sont répertoriés dans Histoire du soccer québécois. Livre que les lecteurs indépendantistes de cette page devraient offrir à Gilles Duceppe, pour lui faire découvrir que, comme outil identitaire, le ballon rond possède une longueur d'avance sur les sports nord-américains dont il est si friand.
QUELLE INDÉPENDANCE SPORTIVE ?
Si rien ne change d'ici le prochain référendum gagnant annoncé par le Parti Québécois, d'inquiétants lendemains sportifs attendent un Québec indépendant. En effet, le propriétaire des Canadiens de Montréal est américain et il paraît peu plausible que celui-ci réagisse autrement que sa garantie, la farouchement fédéraliste brasserie Molson. Et que déciderait le bureau des gouverneurs américano-canadien de la NHL ? Et les joueurs ? Rappelez-vous Eric Lindros refusant d'appartenir aux Nordiques et les Expos sur la liste noire de plusieurs baseballeurs. Le propriétaire des Alouettes est américain lui aussi, tout comme 17 joueurs de ce club membre d'une CFL très anglo-canadienne. S'il fallait que ces deux joyaux du sport professionnel québécois peinent à survivre ou disparaissent, faudrait mettre cela sur le compte des cinq années de turbulences annoncées par Pauline Marois durant les débats entre candidats à la chefferie du PQ ?
Si l'on ne peut se payer des clubs professionnels en temps normal - Nordiques, Expos, Canadiens, Alouettes - on voit mal comment la situation s'améliorerait durant une période de perturbations politiques, économiques et sociales. À moins évidemment que le Québec indépendant n'investisse ses millions dans le retour des Expos et de leurs mercenaires latino-américains, pour que les précieuses connaissances de Duceppe en baseball continuent à amadouer les ambassadeurs des États-Unis.
LE PQ ET LE SPORT
Étant le seul journaliste des années 1960-1970 à mêler régulièrement sport, politique et nationalisme dans les magazines Maclean puis L'Actualité, j'avais été consulté en 1974 par les dirigeants du PQ sur la possibilité que le Québec puisse être représenté par une équipe distincte aux Jeux Olympiques de 1976. Ma réponse négative les déçut énormément, mais en revanche je leur fis part d'une stratégie de sport d'élite et de rencontres internationales pouvant faire avancer la cause indépendantiste. La réplique fut rapide et sèche, «Ça nous intéresse pas. » Par la suite et dans la même veine, quand le PQ prit le pouvoir en 1976, le ministre Claude Charron signa la mise à mort de l'élitiste Institut des Sports du Québec, pour le remplacer par la Régie de la sécurité dans les sports du Québec, un organisme voué aux loisirs de masse.
Rencontré brièvement au Gala de la mi-temps 2002 de la FSQ, Richard Legendre, ministre péquiste du sport, me fit comprendre qu'il avait saisi le sens de la sévère critique contenue dans mon livre Sports & Géopolitiques et, juste avant les élections québécoises de 2003, il lançait, avec Bernard Landry et un budget annuel de 6 millions, le premier véritable programme d'aide aux sports d'élite d'un gouvernement du PQ. Ce fut trop tard pour empêcher les Libéraux d'être élus, mais le programme demeure et l'Actuel ministre Jean-Marc-Fournier a obtenu une bonne presse en l'appliquant à la création d'un centre d'élite au Stade Olympique.
Et l'Impact ? Antithèse des autres clubs professionnels montréalais, c'est une propriété québécoise et ses joueurs sont en majorité québécois, ce qui pourrait lui éviter certains tracas référendaires. Les préférences sportives de Gilles Duceppe ? Rugby-football canadien et baseball américain sont de bien piètres outils identitaires pour permettre au Québec de s'affirmer sur la scène internationale.
(Dans cette page, football remplace toujours soccer)
En période électorale il est rare que le sport soit d'actualité. Mais cette fois-ci le chef conservateur Stephen Harper propose une déduction d'impôt aux parents d'enfants qui font du sport, tandis que Gilles Duceppe, le chef bloquiste, relançaient l'idée de la participation d'une équipe du Québec aux compétitions internationales de hockey.
Cette dernière suggestion, assortie des gardiens de buts Martin Brodeur, Roberto Luongo et José Théodore, était relevée par le magazine Sports Illustrated du 12 décembre. Et comme toute incursion américaine dans la sphère internationale, le commentaire voulant qu'une telle initiative viole les règlements de l'IIHC, nageait dans la confusion. D'autre part dans ses mémoires, l'ancien ambassadeur américain à Ottawa, Paul Celluci, désigne Gilles Duceppe de «politicien canadien qui m'a le plus impressionné, car il a donné la bonne réponse à une colle sur le baseball majeur que même le président George W. Bush n'a pu résoudre.» Et La Presse qualifiait récemment Duceppe de grand amateur de rugby-football canadien. Pas de doute, c'est un érudit des sports nord-américains !
L'EXEMPLE DU FOOTBAL
Dans son livre Keeping Score, l'auteur Colin Jose rapporte qu'à partir de 1921 les sélections de Montréal et plus tard du Québec jouèrent ici même des matchs amicaux de football contre des équipes nationales telles que l'Écosse, l'Angleterre, le Pays de Galles, et plus récemment Haïti, le Guatemala, et cetera. Ceci sans compter les innombrables matchs joués contre des clubs visiteurs étrangers. Un résultat entre, dont ni Duceppe ni Celluci ni Sports Illustrated n'ont sans doute jamais entendu parler, qui devrait plaire au chef bloquiste : en avril 1975 au Stade Molson, la sélection du Québec battait l'équipe olympique du Canada 2 à 1. Puis en 1985 au même endroit, les Québécois faisaient match nul 1-1 avec l'équipe du Canada en voie de participer pour la seule fois de son histoire, en 1986, au tournoi final de la Coupe du Monde. Ces matchs mémorables sont répertoriés dans Histoire du soccer québécois. Livre que les lecteurs indépendantistes de cette page devraient offrir à Gilles Duceppe, pour lui faire découvrir que, comme outil identitaire, le ballon rond possède une longueur d'avance sur les sports nord-américains dont il est si friand.
QUELLE INDÉPENDANCE SPORTIVE ?
Si rien ne change d'ici le prochain référendum gagnant annoncé par le Parti Québécois, d'inquiétants lendemains sportifs attendent un Québec indépendant. En effet, le propriétaire des Canadiens de Montréal est américain et il paraît peu plausible que celui-ci réagisse autrement que sa garantie, la farouchement fédéraliste brasserie Molson. Et que déciderait le bureau des gouverneurs américano-canadien de la NHL ? Et les joueurs ? Rappelez-vous Eric Lindros refusant d'appartenir aux Nordiques et les Expos sur la liste noire de plusieurs baseballeurs. Le propriétaire des Alouettes est américain lui aussi, tout comme 17 joueurs de ce club membre d'une CFL très anglo-canadienne. S'il fallait que ces deux joyaux du sport professionnel québécois peinent à survivre ou disparaissent, faudrait mettre cela sur le compte des cinq années de turbulences annoncées par Pauline Marois durant les débats entre candidats à la chefferie du PQ ?
Si l'on ne peut se payer des clubs professionnels en temps normal - Nordiques, Expos, Canadiens, Alouettes - on voit mal comment la situation s'améliorerait durant une période de perturbations politiques, économiques et sociales. À moins évidemment que le Québec indépendant n'investisse ses millions dans le retour des Expos et de leurs mercenaires latino-américains, pour que les précieuses connaissances de Duceppe en baseball continuent à amadouer les ambassadeurs des États-Unis.
LE PQ ET LE SPORT
Étant le seul journaliste des années 1960-1970 à mêler régulièrement sport, politique et nationalisme dans les magazines Maclean puis L'Actualité, j'avais été consulté en 1974 par les dirigeants du PQ sur la possibilité que le Québec puisse être représenté par une équipe distincte aux Jeux Olympiques de 1976. Ma réponse négative les déçut énormément, mais en revanche je leur fis part d'une stratégie de sport d'élite et de rencontres internationales pouvant faire avancer la cause indépendantiste. La réplique fut rapide et sèche, «Ça nous intéresse pas. » Par la suite et dans la même veine, quand le PQ prit le pouvoir en 1976, le ministre Claude Charron signa la mise à mort de l'élitiste Institut des Sports du Québec, pour le remplacer par la Régie de la sécurité dans les sports du Québec, un organisme voué aux loisirs de masse.
Rencontré brièvement au Gala de la mi-temps 2002 de la FSQ, Richard Legendre, ministre péquiste du sport, me fit comprendre qu'il avait saisi le sens de la sévère critique contenue dans mon livre Sports & Géopolitiques et, juste avant les élections québécoises de 2003, il lançait, avec Bernard Landry et un budget annuel de 6 millions, le premier véritable programme d'aide aux sports d'élite d'un gouvernement du PQ. Ce fut trop tard pour empêcher les Libéraux d'être élus, mais le programme demeure et l'Actuel ministre Jean-Marc-Fournier a obtenu une bonne presse en l'appliquant à la création d'un centre d'élite au Stade Olympique.
Et l'Impact ? Antithèse des autres clubs professionnels montréalais, c'est une propriété québécoise et ses joueurs sont en majorité québécois, ce qui pourrait lui éviter certains tracas référendaires. Les préférences sportives de Gilles Duceppe ? Rugby-football canadien et baseball américain sont de bien piètres outils identitaires pour permettre au Québec de s'affirmer sur la scène internationale.
(Dans cette page, football remplace toujours soccer)