Mon cher Alain... Lettre ouverte

[Emerik]

J’ai décidé de publier cette lettre ouverte suite à la lecture de l’article du journaliste sportif Alain Crête. Veuillez noter que je ne suis ni journaliste ni écrivain, seulement un joueur et entraîneur de soccer qui n’en peut plus du débat et de la négligence de ce sport de la part du monde médiatique Québécois.


Mon cher Alain…

Je viens de lire votre lettre ouverte à Jérémy Filosa et je me dois de vous avouer que j’ai été extrêmement déçu de son contenu. Je dirais même presque dégoûté. Regardons des faits si vous le voulez bien.

Le soccer est le sport le plus populaire au monde et maintenant au Canada chez les enfants. Le soccer québécois compte 18 fédérations régionales, avec plusieurs clubs chacun. Au Québec il y a deux ligues de soccer professionnel, la Première Ligue de soccer du Québec (PLSQ) et la Première Ligue de Futsal du Québec (PLFQ). Il y a même des discussions comme quoi les équipes de PLSQ (qui équivaut à une troisième division canadienne) puissent participer au Championnat Canadien Amway, qui donne accès à la Ligue des Champions de la CONCACAF qui donne accès à la Coupe du Monde des Clubs. Je vous rappelle que vous parliez énormément de l’Impact lorsqu’ils étaient à deux poils d’y accéder. On parlait même de créer une autre équipe québécoise qui jouerait soit en NASL ou USL (deuxième et troisième division américaine) qui aurait été situé à la capitale nationale. Le soccer au Québec, ce n’est pas n’importe quoi.


PLSQ

Comme je vous l’ai expliqué, la PLSQ équivaut à une troisième division canadienne. Pour vous cela ne veut probablement rien dire, mais c’est quelque-chose de gros pour une ligue « locale »! Prenez par exemple la troisième division française, qui s’appelle le Championnat de France de football National. Les équipes de cette ligue peuvent participer à la Coupe de France, l’équivalent du Championnat Canadien. Toutefois, à comparer à la PLFQ, elle couvre le même territoire que la Ligue 1, le championnat le plus élevé en France. C’est donc un exploit d’avoir un championnat d’un tel calibre depuis à peine trois ans dans un si petit territoire! C’est en effet que depuis 2012 que cette ligue existe et elle avait déjà une webdiffusion des parties à la saison 2014. Bien que le calibre ne soit pas le même que celui qu’on trouve en France, pour un pays qui a des aspirations à la prochaine coupe du monde, il y a intérêt d’en parler! Malheureusement, cette ligue est médiatisé qu’une fois par année, lors du gala de fin de saison. Étrange non?


LHJMQ

Je dis étrange, parce qu’il y a une ligue amateur québécoise qui a non seulement plus de visibilité qu’une ligue professionnelle de troisième division canadienne, mais qu’une ligue de première division américaine. En effet, il y a plus de diffusion pour la LHJMQ que pour la PLSQ et même plus que pour la MLS, une ligue de première division américaine dont nous avons la chance d’avoir une équipe au Québec! Je n’ai rien contre le fait que le Canadien ait plus de visibilité, vous l’avez dit, c’est l’équipe dominante de Montréal. Toutefois, est-ce juste privilégier une ligue amateur, bien qu’elle soit du hockey, à une ligue professionnelle d’une telle envergure?


Ce que les chiffres disent

Comme vous l’avez bien indiqué, je dois le reconnaître, le taux d’écoute de l’Impact est faible lorsqu’on le compare aux autres sports, mais est-ce que ces chiffres sont légitimes? Je ne le crois pas.

D’abord, les seules parties de l’Impact diffusé à la radio au 98,5 étaient à domicile et encore là, ce ne sont pas toutes les parties à domicile qui étaient présentées, sans compter que 20 000 auditeurs potentiels sont au stade en train d’encourager leur équipe. Est-ce que le fan de soccer a donc développé le rituel d’écouter la partie à la radio? Pas vraiment.

Pourquoi avons-nous remarqué une hausse des cotes d’écoute chez l’Impact lors de la Ligue des Champions et depuis l’arrivée de Didier Drogba à Montréal? C’est simplement parce que les médias ont mis l’équipe en première page et qui dit visibilité dit présence des fans. Comment espérer que les Québécois vont se rendre au stade ou allumer leur téléviseur pour être au rendez-vous s’ils ne sont même pas au courant de ce qui ce passe? J’entends rarement parler de la partie avant la veille ou le jour même qu’elle est jouée, c’est assez déplorable.

Des études ont prouvé que le soccer est le sport le plus joué par les enfants Québécois. D’ici quelques années, dix à quinze tout au plus, une grande vague de jeunes ayant respiré à l’odeur du gazon et du ballon rond vous feront les demandes qu’on vous fait aujourd’hui, alors pourquoi ne pas présenter ce que vous vous devez de présenter en tant que journaliste sportif au lieu de vous mettre des œillères en attendant que la baloune explose? Il y a un intérêt réel du sport chez les jeunes et je vais vous faire part d’une expérience vécue cet été pour que vous vous en rendiez compte.

J’ai travaillé dans un camp de jour de soccer cet été, une initiative du club de soccer où je suis entraîneur, et les jeunes se battaient à savoir si Cristiano Ronaldo était meilleur que Lionel Messi, savoir si Manchester City allait avoir le dessus de l’Arsenal, mais lorsque je leur demandais qui était le meilleur joueur chez l’Impact ou qui était leur joueur préféré de l’équipe, aucune réponse venait. Seul Piatti était venu à la bouche d’un jeune, et il disait que c’était le seul nom qu’il connaissait. Notez que c’était avant l’arrivée de Didier Drogba. J’ai donc pris l’habitude de leur parler de l’Impact, de leur parler des joueurs, de la MLS et je de les encourager à regarder les parties. De plus en plus, on entendait au camp les jeunes parler de l’Impact, ensuite de la MLS et lorsque Drogba est arrivé, ça a eu l’effet d’une bombe! Je me rappelle d’avoir vu, avant une séance, une dizaine de garçon se chamaillant pour savoir qui était Drogba parmi eux pour leur partie improvisé. L’un d’entre eux est venu me voir tout fier de son nouveau chandail de l’Impact avec Drogba 11 and le dos. Comment est-ce possible que cette génération de jeunes qui mordent dans le soccer n’ont jamais eu accès à du contenu sur l’Impact, leur équipe locale, alors qu’ils ont plein d’information sur les championnats du Vieux-Continent? Est-ce que le « happening » dont vous parliez dans votre lettre ouverte serait causé par nul autre que les médias? Est-ce que les gens manquent tant d’intérêt face au Bleu-Blanc-Noir? Pour les adultes ayant grandis avec le hockey et le baseball je ne pourrais vous dire, mais faisant parti d’une des premières générations à avoir grandi avec un ballon dans les pieds et voyant les jeunes de mon club et des clubs de ma région, je peux vous garantir que l’intérêt y est. Les jeunes ont besoin d’avoir des vedettes à qui ils peuvent s’identifier pour se pousser dans le sport et c’est en parti grâce à vous et à vos collègues journalistes qu’on pourrait entendre dans les rue du Québec des jeunes se battre pour être Patrice Bernier ou Wandrille Lefèvre. Pouvez-vous imaginer un Québec ou les jeunes joueurs de hockey ne se battraient pas pour être PK Subban ou Carey Price lors de leur partie de hockey botine dans la rue? Impossible non? Vous comprenez comment se sentent les partisans de l’Impact.


Diffusion

L’Impact est diffusé à la télévision que depuis son entré en MLS en 2012, mais nous savons que l’équipe à maintenant 21 ans, les parties sont donc diffusées que depuis le quart de l’existence de l’équipe seulement! Est-ce que les Québécois, autres que ceux déjà fans de l’Impact, ont eu la chance d’embarquer dans le bateau? Je crois qu’avec plus d’implication des médias, le débat de visibilité de l’Impact ne serait même pas existant aujourd’hui. Je ne critique pas les parties sont accessibles à la télévision depuis peu, mais la déficience dans la présentation du produit depuis.

Une des raisons qui explique le respect que j’ai pour le sport chez les américains, c’est que, pour eux, l’important n’est pas le sport qui est joué, mais de présenter le plus de sport possible pour nourrir la fierté patriotique américaine. Pourquoi est-ce que les gagnants du SuperBowl de la NFL sont considérés comme « Champion du monde » alors que le tournoi ne présente que des équipes d’une seule nation? Pour célébrer la fierté qu’une équipe américaine ait remporté l’événement sportif le plus écouté au monde (après la Coupe du Monde de soccer). Les gens s’attachent à une équipe s’ils en entendent parler. Si on parle d’une équipe qu’en fin de manchette avec des journalistes peu enthousiastes face à ce sport, les amateurs de sports n’ont pas la chance de développer un sentiment de fierté et d’appartenance. Il est légitime de penser que non seulement l’équipe doit être bien présentée pour développer l’attachement dont je parle, mas qu’il est important d’être au courant de ce qui se passe au travers de la ligue, comme il est fait des équipes de la LNH.

Au Québec on a accès à RDS, RDS2, RDSinfo, TVAsports, TVAsports2, TSN1, TSN2, TSN3, TSN4, TSN5, Sportsnet et j’en passe. Comment se fait-il qu’il est impossible ou presque de regarder des équipes non-canadiennes malgré cette panoplie de chaînes disponibles? De plus sachant que la famille RDS et TSN ne sont qu’une, est-il normal que sur les huit postes que j’ai nommé, aucun ne présentent de parties de la MLS impliquant deux équipes américaines? Une chose qu’on peut reprocher au soccer est de n’avoir qu’une ou deux parties par semaine, même qu’il y a des semaines où il n’y en a pas du tout! Le Québécois moyen qui n’est pas accroché à l’Impact n’en a certes pas les moyens de le faire vu ce manque de présence, n’est pas? Si ce même Québécois avait accès aux parties des autres équipes de la ligue, qu’il apprenait à connaître ses équipes et à voir les enjeux face aux adversaires directs de notre équipe pour une place en série, disons comme la partie entre le Orlando City SC et le New York City FC qui se joue vendredi le 16 octobre et qui n’est diffusé à aucun poste canadien, soit dit en passant, serait-il plus poussé à vouloir être au rendez-vous lors des parties, que ce soit à la radio et à la télévision?


Enfin

Mon rêve, mon cher Alain, est d’espéré qu’on puisse un jour être un peu plus comme les Américains, de pouvoir être fier de mon sport préféré et des autres équipes sportives de la ville et que cette guerre à savoir quel est le meilleur sport soit enfin terminé. L’amateur de sport moyen va écouter ce qu’on lui dit d’écouter. On a dit qu’Anthony Calvillo jouait son dernier match pour les Alouettes, les gens ont été au rendez-vous. On a dit que les Canadiens étaient en séries et qu’ils avaient des chances de gagner la coupe, les gens ont été au rendez-vous. On a dit que l’Impact était à une victoire d’aller affronter le Bayern de Munich et autres équipes qui dominent les championnats européens, les gens ont été au rendez-vous.

En sommes, les gens écoutent ce que vous leur dites, ce que tous les journalistes sportifs leur disent d’écouter et c’est pour ça que je respecte un homme comme Jérémy Filosa. Il n’a pas eu peur de dire ce que beaucoup de gens pensaient tout bas en ce qui concerne la visibilité des sports au Québec en général. Je souhaite du plus profond de mon cœur que la peur que le Québécois moyen a du soccer disparaisse et qu’on laisse un brin de visibilité à ce sport afin de permettre, au moins, à ceux qui sont en amour du ballon rond, d’avoir accès à du contenu complet et de qualité. C’est en passant par vous et par les autres journalistes sportifs que ce rêve pourrait se réaliser.

Plus tôt, je vous ai parlé des enfants qu’on avait au camp de jour de soccer et du garçon qui portait fièrement le chandail au nom de Drogba. Quelques jours après sa signature, ce garçon m’a posé une question que je vous retourne : Comment ça se fait qu’on n’avait pas entendu parler de l’Impact avant que Drogba vienne? Je me permets d’ajouter une partie à cette question : … et combien de temps est-ce que ça va durer?


Sincèrement,
Emerik

[Frankinho]

Mon cher Emerik,

Je vais simplement revenir sur les points sur lesquels j'accroche dans ton texte qui est quand même criant de vérité.

Premièrement, ce fait que le soccer est le sport le plus pratiqué par les jeunes. C'est moyen-vrai. La natation dominait jusqu'à tout récemment, mais si on parle de ligues récréatives ou compétitives, là oui, le soccer trône. Cependant, le soccer est encore vu comme étant un sport d'été, comme un passe-temps pendant la pause scolaire. Y'a bien des jeunes, mais peu d'élus. Peu de joueurs qui se rendent loin. Pourtant le bassin est là. Pourquoi alors? Peut-être parce que les jeunes le pratiquent, mais qu'ils n'ont pas un bon encadrement?

Pour le dilemme PLSQ vs LHJMQ, as-tu déjà assisté à un match de la PLSQ? Je ne parlerai pas du calibre, mais plutôt de l'ambiance. Ne serait-il pas gênant de présenter des matchs où il y a une dizaines de spectateurs? Qu'importe à quel point le spectacle est beau, ça fait quand même ligue de garage, non? En plus, les matchs sont présentés le samedi à 17h. Tu parles d'une heure bâtarde. Et PLSQ, ça demeure quand même du semi-professionnel... C'est pas vendeur. Mais ça, c'est pas aux télédiffuseurs, mais plutôt aux gestionnaires de vendre un peu mieux leur produit afin d'attirer plus que 50 personnes par match.

Pour la diffusion, c'est drôle que tu mentionnes que nous avons près d'une dizaine de chaînes, mais rarement du soccer de la MLS. Je suis d'accord avec toi, mais plusieurs partisans déplorent le faire de justement devoir s'abonner à cette dizaine de chaînes (A vrai dire, à 4 chaines) pour pouvoir suivre leur équipe. L'Impact passe sur TVA Sports 2 et tout le monde chiale. On préfère trouver un stream peu fiable que "d'encourager" le club local et de s'abonner à cette chaîne supplémentaire. Je suis pas contre les stream, mais quand on stream, on baisse les côtes d'écoute et on donne un argument de plus aux grands boss afin de ne pas porter d'attention à la MLS.

Sinon, l'Impact est diffusé depuis 2012? Je me souviens que Radio-Canada diffusait quelques matchs à l'époque. Ce n'était pas régulier, mais on pouvait voir les matchs à la télévision avant 2012.

Pour le reste, tu as raison.

Francis.

[Emerik]

Je suis d'accord avec les corrections que tu m'apporte. Toutefois, de plus en plus, les clubs organisent des saison hivernales. En ce sens, ils ont parfois jusqu'à 2 pratiques par semaine avec leur club, des pratiques pour ceux qui jouent au futsal ou en 7v7 avec leur école, sans compter les pratiques pour l'équipe régionale. Ce sport peut donc être pratiqué à l'année avec facilité. Ce sont donc ceux qui je veulent pas jouer l'hiver qui ne joue pas l'hiver. Évidemment il faut que le club permette les activités, mais de plus en plus de clubs le font.

Pour la PLSQ, malgré le titre de semi-pro qu'elle se donne, tel que Frederico Moojen avait dit lors d'un entrevu, en Europe dès qu'un joueur de l'équipe reçoit un salaire, on parle d'une équipe professionnel. Bien que je ne sais pas si toutes les équipes offrent un salaire à au moins un joueur, je sais que quelques équipes le font. On peut donc parler de ligue professionnel. (Je te parle d'un article que j'ai lu le printemps passé il me semble mais je n'ai pas la source). Je suis d'accord qu'il y ait peu de gens qui assistent aux matchs, mais mon point était qu'on donnait plus de visibilité à une ligue amateur (LHJMQ) qu'une ligue dites professionnel, ou semi-pro si tu préfères le voir ainsi.

Pour ce qui est des chaînes, je suis de ton avis. C'est ridicule qu'on doit s'abonner à tout plein de chaînes pour suivre son équipe local. Toutefois as-tu remarqué que souvent, plusieurs chaînes (les TSN) offrent le même programme? Pourquoi ne pas affiché plusieurs parties différentes? C'est aberrant je trouve.

Pour ce qui est de la diffusion des matchs avant 2012, comme tu le dis ce n'était pas régulier, c'est pourquoi je ne parle pas de vrai diffusion. Pour moi, si on veut dire qu'une équipe est diffusé a la télévision, il faut que tous les matchs, au moins de la saison régulière, le soit. Sinon tu de développent pas le rituel dont je parlais pour l'écoute de ton équipe.

[Bxl Boy]

Moojen se trompe au sujet de l'Europe
En Belgique par exemple, les clubs de D1 sont tous pros, une partie de ceux de D2 l'est aussi
Les joueurs peuvent par contre être payés dans des divisions bien inférieures
On en avait parlé ici : viewtopic.php?f=3&t=8492