Après une saison 2021 lors de laquelle Montréal a été compétitif et a poursuivi sur les bases de sa reconstruction sportive entamée en 2020, cette année doit être celle des premiers résultats : non seulement il faut confirmer la courbe de progression, mais cette fois, offrir des prestations encourageantes ne suffira plus, il faudra aussi se classer en ordre utile. À cette fin, le club a choisi de miser sur la continuité avec un effectif à peine retouché par rapport à la saison écoulée. Revue des troupes et des attentes.
Ainsi, on ne note que cinq départs, auxquels s’ajouteront quelques prêts (il y a au moment d’écrire ces lignes 33 joueurs dans un effectif limité à 30 hommes). Parmi eux, seul Struna a été régulièrement titulaire, mais il avait perdu sa place en fin d’exercice. Maciel et Kizza étaient au mieux des solutions de rechange intéressantes, le premier était d’autant moins indispensable qu’il évolue à un poste où la concurrence est forte et où poussent plusieurs jeunes du cru. Enfin, Bayiha et Tabla n’ont presque jamais été utilisés par Wilfried Nancy, ne faisant clairement pas partie de ses plans.
Les renforts sont eux aussi rares, la liste étant dominée par… plusieurs joueurs en retour de prêt, dont certains pourraient toutefois repartir. Trois titulaires potentiels sont réellement arrivés, à commencer par Johnston, qui rendait le mur défensif de Nashville encore plus hermétique sur le flanc droit. Corbo sera une option supplémentaire en défense centrale et Kamara apportera toute son expérience à une attaque autour de laquelle tourne son lot d’incertitudes.
Revue des troupes et des attentes, bien éclairées par le double duel en Ligue des champions.
GARDIENS
Les trois portiers dans le noyau en 2021 ont joué tour à tour et c’est
Breza, celui qui avait commencé le plus bas dans la hiérarchie, qui a gagné les faveurs de l’entraîneur. Derrière lui, on peut se dire que
Ketterer, attiré par le club tout récemment, ne vient pas ici pour passer du temps en tribune ou en PLSQ à 28 ans. Qu’est-ce que ça signifie pour
Pantemis, qui était il y a peu aux portes de l’équipe nationale et avait peut-être des rêves de Coupe du monde en novembre ? Il doit jouer pour les réaliser, c’est sûr. Quant à
Sirois, revenu de CanPL dont il a été élu meilleur gardien en 2021, il doit lui aussi franchir un cap sportif pour se rapprocher d’une place en MLS. Chez les remplaçants, désirs, besoins particuliers et réalités collectives risquent de s’entrechoquer.
DÉFENSEURS CENTRAUX
Prometteur en 2020, le système à trois défenseurs centraux a été confirmé en 2021, avec succès. Sans surprise, c’est lui qui a été utilisé face à Santos Laguna. Annoncé partant dans un premier temps,
Camacho a finalement décidé de rester au club et sa prestation face aux Mexicains a montré qu’il fallait s’en féliciter : à son aise pour commander la défense, il fait aussi preuve d’une grande justesse technique qui permet de construire de l’arrière, comme l’aime Nancy, de remonter le ballon proprement mais aussi de lancer des attaques d’assez bas, ce que l’équipe n’a pas fait assez souvent en 2021.
À sa gauche,
Miller est devenu une valeur sûre dès sa première saison au club, ce qui sert également ses intérêts en équipe nationale. Fiable défensivement, il a aussi, comme son compère, des qualités offensives, même si elles sont quelque peu différentes. Il aime monter et participer au jeu, comme le font d’autres joueurs à cette position dans des équipes de haut niveau très dominantes.
À droite, en
Johnston, on a un tout autre profil : venu de Nashville où défendre était le mot d’ordre, il a contribué à aider sa formation à avoir l’arrière-garde la plus étanche de MLS, mais il faut ajouter que son flanc droit était le plus dur à franchir, et de loin. En revanche, sa participation offensive était bien plus limitée. Si c’est un joueur bien différent, en ce sens il n’est pas sans rappeler Toia, qui a laissé de bons souvenirs de son passage à Montréal.
Alors que l’an dernier, l’une ou l’autre absence dans ce secteur obligeait l’entraîneur à y aligner des joueurs moins habitués à cette position (il préférait cela à revoir ses plans tactiques ce qui, à long terme, s’est avéré judicieux), cette saison, il a davantage de solutions de rechange. La première reste
Waterman, titulaire fin 2021, qui a encore de sérieux manquements mais a montré qu’il peut rendre de fiers services. On découvrira aussi
Corbo, un ancien international italien en équipe d’âges prêté par Bologne, de même que l’Islandais
Thorkelsson, transféré en cours de saison dernière mais arrivé blessé et qu’on n’a dès lors pas vu. De retour de Calgary, où il était titulaire indiscutable l’an dernier,
Yao aimerait montrer à Montréal qu’il vaut désormais mieux que les 128 minutes qu’il y a passées sur le terrain en 2020.
LATÉRAUX
C’est peut-être un des endroits sur le terrain où les solutions sont les moins nombreuses et suscitent le plus de questionnement même s’il ne faut pas non plus pléthore de candidats vu que l’équipe aligne un homme par flanc.
Au coup d’envoi de la saison, il ne semble y avoir qu’une seule certitude :
Choinière, qui peut évoluer avec bonheur des deux côtés. Généralement à gauche l’an dernier, c’est à droite qu’il a été titularisé contre Santos Laguna… avant de passer sur l’autre aile en fin de match, et ce tant à l’aller qu’au retour. En outre, il découvrait ce rôle l’an dernier et y a encore une importante marge de progression.
Selon là où il aligne le Johannais, Wilfried Nancy a de nombreuses autres options. À droite,
Brault-Guillard a longtemps tenu la corde mais, malgré d’excellentes prédispositions, il semble toujours peiner à trouver le bon équilibre entre jeu offensif et défensif. Cela dit, il a tout d’un titulaire potentiel. L’an dernier, Bayiha ne semblait pas convenir ; cette année, c’est un autre jeune qui devra saisir sa chance :
Ferdinand. N’oublions pas non plus que Johnston peut venir y réduire tout le monde au silence.
À gauche, on a longtemps pensé que le club irait chercher un renfort, mais ça n’a finalement pas été le cas. C’est
Lappalainen, au profil très offensif, qui a reçu la préséance en Ligue des champions. On voit qu’il apprend encore les rudiments du poste, qui est peut-être pourtant celui qui lui convient le mieux dans le schéma actuel. À voir aussi comment il défendra face à des équipes plus rodées. Pour sa deuxième saison en MLS,
Bassong devra aussi étaler certains progrès et confirmer les espoirs placés en lui quand il était en équipes de jeunes en Europe. Si aucun des deux ne devait convenir, Choinière viendrait s’y réinstaller où le club pourrait transférer.
Tous autant qu’ils sont ont toutefois une grosse carence, à combler d’urgence : trop peu de leurs centres arrivent à destination. C’est un problème majeur pour l’efficacité offensive de l’équipe et la diversité de ses attaques. Ce sera peut-être là une des clefs rapportant ou coûtant quelques points précieux faisant une différence notable au classement.
MÉDIANS AXIAUX
Un titulaire indiscutable et une deuxième place pour laquelle la file ressemble à celle devant les pharmacies offrant des tests Covid à la veille de Noël, voilà comment on pourrait résumer la situation dans le secteur. Le premier est évidemment
Wanyama qui, après avoir déjà mis tout le monde d’accord l’an dernier, semble avoir encore de meilleures sensations en ce début d’année. Ses deux prestations de haut vol contre Santos Laguna, où il a régné sur l’entrejeu tant grâce à son volume de jeu, son expérience, ses facultés dans les duels et son intelligence de jeu, nous ont rappelé ses belles années britanniques, peut-être inspiré par un adversaire jouant sous les mêmes couleurs que le Celtic.
À ses côtés, on savait les options nombreuses, la Ligue des champions n’a fait qu’en allonger la liste ! En 2021,
Piette, qui est par ailleurs le plus à même de remplacer Wanyama en cas d’absence de celui-ci, était le choix privilégié quand il fallait muscler l’entrejeu. Pas toujours régulier et se faisant encore les dents au sein d’un championnat qu’il découvrait,
Hamdi a gagné des galons pour les situations où l’équipe souhaite se montrer plus entreprenante. Cela dit, ni l’un ni l’autre n’a suffisamment convaincu qu’il était le complément idéal du Kenyan.
Contre Santos Laguna, leurs absences conjuguées ont permis de voir à l’œuvre deux jeunes prometteurs. À l’aller,
Zouhir, que l’on avait déjà aperçu l’an dernier, a étalé les promesses placées en lui qui ont poussé le club à laisser partir Sejdic. Un plan B plus qu’intéressant, qui a encore des croûtes à manger cela dit. Au retour, après des débuts hésitants,
Kone a offert une deuxième mi-temps dynamique laissant entendre qu’il comptait se mêler aux débats même s’il a toujours évolué plus haut dans le jeu. Reste à voir ce que ça peut donner contre un adversaire qui offre moins d’espaces.
Même s’il n’y a quasiment qu’en ces colonnes que vous le lisez, on ne nous ôtera pas de la tête que Mihailovic pourrait venir y mettre tout le monde d’accord. Évidemment, son travail défensif est aux antipodes de ce qu’offre Piette. Mais sa façon de distribuer le jeu qui l’accélère et/ou casse des lignes pourrait faire bien des dégâts, surtout si l’équipe arrive durablement à s’installer dans le camp de l’adversaire et à se montrer conquérante. Dans des formations du genre au plus haut niveau (voir la remarque sur Miller), ce poste peut être occupé par ce type de joueur.
Difficile dans ces circonstances de voir comment les jeunes
Giraldo, en outre de retour d’une longue blessure, et
Saliba pourraient avoir droit au chapitre. On ne serait pas surpris que le club leur permette de gagner du temps de jeu ailleurs.
ATTAQUANTS ET SOUTIENS
C’est avec un homme seul en pointe et deux partenaires derrière lui que l’équipe a été la plus convaincante offensivement en 2021 et a commencé 2022, c’est donc sur base de cette configuration que nous poursuivrons notre présentation.
Commençons par le poste le plus avancé, où les candidats sont aussi nombreux que les incertitudes. Le début de la saison dernière a donné suffisamment de confiance à l’entraîneur pour qu’il en confie les clefs à
Toye. S’il doit encore confirmer qu’il peut occuper ce rôle dans une équipe ambitieuse, l’attaquant a alors montré des dispositions et une efficacité devant le but qui poussent à lui laisser sa chance… Mais voilà, il a été blessé pour l’essentiel de l’année et est à nouveau hors-course.
On attendait beaucoup de
Johnsen mais 2021 a été pour lui une année de malheur : après une saison ratée, il a été infecté par la Covid dont il se remet encore difficilement. Il ne faut pas l’écarter de l’équation pour autant, mais mettons qu’il a devant lui un long chemin parsemé d’obstacles.
Quioto a repris le rôle, avec succès. Le Hondurien compte énormément de cordes à son arc et a prouvé en deux ans à Montréal l’étendue des services qu’il peut offrir. Il est plus que satisfaisant en pointe, mais on ne serait pas surpris qu’il fasse encore davantage de dégâts un cran plus bas sur la gauche, son côté de prédilection. C’est une option à envisager sérieusement si, devant, tout le monde est à son meilleur niveau. Cela pousserait cela dit à recaser Mihailovic.
Pour ne pas faire porter l’essentiel du poids de l’attaque à Quioto, le club a été chercher
Kamara, troisième meilleur buteur de MLS au cours de la dernière décennie. Il a le profil-type du finisseur d’un club jouant le haut du tableau… mais à 37 ans bien sonnés, ses meilleures années sont derrière lui. Si son âge ne le handicape pas trop, il nous promet en tout cas bien du plaisir. Sans ça, son expérience sur le terrain et en dehors sera certainement profitable à tout le monde.
À l’autre bout de la pyramide des âges,
Ibrahim a des attributs très prometteurs. Oui, il est capable du meilleur comme du pire en une même action et multiplie les péchés (sportifs) de jeunesse. Reste qu’il a l’instinct du buteur et un profil adapté : à lui de démontrer qu’il progresse et de confirmer qu’être patient avec lui portera ses fruits.
Le véritable maître à jouer de l’équipe est
Mihailovic. Roi de la passe décisive la saison dernière, il désarçonne les défenses, accélère le jeu, détruit une mise en place en une seule passe et, en outre, peut faire preuve de beaucoup de mobilité. Occupant le rôle de soutien gauche, il s’y est senti à l’aise mais manque toutefois de la présence devant le but requise à son poste. Lui permettre de continuer à exprimer ses qualités tout en trouvant sa meilleure place dans le puzzle collectif est peut-être une des clefs vers des ambitions supérieures pour Montréal.
En son absence, ou s’il devait être placé ailleurs sur l’échiquier, son rôle peut être repris, comme on l’a déjà dit, par Quioto, mais aussi par
Miljevic, un Argentin arrivé en cours de saison dernière qui avait visiblement besoin de quelques mois pour s’ajuster. À lui de montrer qu’il peut désormais revendiquer un rôle de titulaire. Dans le pire des cas, Lappalainen peut y être aligné, même s’il n’a pas les caractéristiques pour y réussir à long terme.
Depuis qu’il est entré dans le onze,
Torres a fait main basse sur la place à droite. Ce n’est pas compliqué : il est le seul joueur à avoir été titularisé lors des 22 dernières rencontres de championnat ! Alors qu’avant ça, il s’était limité à une petite heure et quart de jeu tandis que Nancy n’avait pas encore trouvé son meilleur système. Dès lors, on ne connaît pas son remplaçant attitré. Un peu de concurrence lui ferait-il du bien ? Il a connu deux excellents mois, montrant son apport dans une équipe qui désire faire le jeu, mais a tiré la langue en fin de saison.
Chez les jeunes, on est curieux de voir si
Assi, dont l’apparition fut furtive mais prometteuse fin 2020, aura droit à des minutes cette année alors que la saison dernière, il n’en a pas disputé la moindre. De retour de prêt,
Rea aura lui aussi fort à faire pour ne serait-ce que pointer le bout du nez dans ce secteur de jeu, à moins qu’on ne le renvoie ailleurs à la quête de minutes.
CONCLUSION
Comme de coutume, cette présentation de début de saison passe les troupes en revue. Mais deux éléments doivent être ajoutés à l’équation pour encore mieux se faire une idée du potentiel de réussite : la façon dont les adversaires se sont renforcés, et leur capacité à anticiper et contrecarrer les plans de Wilfried Nancy. Montréal aura beau vouloir déployer son jeu, et même y parvenir, il ne sera pas seul sur le terrain et à vouloir peser sur le rapport de forces.
Cela dit, la différence est notable par rapport aux autres saisons lors desquelles le club avait misé sur la continuité sportive. Par le passé, il y avait trop soit de mirages, soit de joueurs sur la pente descendante, soit d’absence de vision cohérente pour aller de l’avant en ne changeant pas grand-chose. Cette fois, la clarté est au rendez-vous et si les décisions ne sont pas forcément toujours les bonnes, l’intention, elle, est sans cesse de franchir étape par étape grâce à des choix réfléchis les phases du plan qui entre désormais dans sa troisième saison.
Avec tout le monde à son meilleur niveau, Montréal sera très compétitif à coup sûr. Avec, même, une des meilleures défenses centrales du championnat. Cela tombe bien, car derrière, on a encore des interrogations au sujet du gardien. Sans être étincelants, les flancs tiennent la route mais devront bien plus contribuer au jeu offensif, tant pour le diversifier que parce que c’est tout simplement nécessaire si on veut être ambitieux.
Offensivement, beaucoup dépendra de la quantité d’options que Nancy aura en pointe. Car s’il peut aussi donner un autre rôle à Quioto, cela multipliera du même coup les assignations possibles sans affaiblir l’équipe. Il faudra évidemment aussi que Mihailovic confirme, que Torres tienne la route à long terme et qu’on trouve le meilleur complément à Wanyama, pierre angulaire de l’équipe.
Certes, il y a encore pas mal de questions, mais elles portent davantage sur des situations à confirmer que sur des mystères derrière un épais brouillard. Comparativement à il y a un an, et ce n’est pas uniquement dû à la stabilité de l’effectif, les certitudes sont beaucoup plus nombreuses. L’équipe entame la saison à un stade bien plus avancé dans son plan de jeu. Ce qui veut également dire que les attentes sont d’autant plus élevées. Alors… on prend (presque) les mêmes et on fait mieux ?