Après Santos Laguna, nous avons évidemment passé au peigne fin le prochain adversaire de Montréal en Ligue des champions, Cruz Azul. Mieux classés en championnat, les joueurs de la capitale du Mexique sont certes plus redoutables que leurs homologues de Torréon mais n’en ont pas moins quelques failles à exploiter. Analyse.
À ce jour, l’équipe occupe la cinquième place de la Clausura, deuxième phase de la saison 2021/22 du championnat du Mexique. Toutefois, elle pourrait être dépassée par quelques adversaires qui ont un match de retard. Elle ne respire en outre pas la forme, avec seulement 4 points lors de ses 5 dernières rencontres (une victoire, trois défaites et un nul). Son attaque, généralement redoutable, est à la peine, alors que sa défense n’a jamais été sa force cette année… même si ses failles sont limitées à quelques secteurs clefs.
On le sait, en championnat du Mexique plus qu’ailleurs, la contre-attaque est rarement employée, ce qui est d’ailleurs factuellement confirmé par les chiffres de Vision du Jeu, qui nous a bien aidés pour préparer cette analyse. Cruz Azul en est un exemple parfait puisqu’aucun de ses 19 buts inscrits en 2022 (tant en championnat qu’en Ligue des champions) ne l’a été sur reconversion rapide. Et on oublie encore plus les grands coups de botte en avant à l’aveugle.
En fait, la mission première d’une défense qui affronte Cruz Azul est de rester disciplinée, car les pensionnaires du stade Azteca sont des spécialistes des phases arrêtées, d’où proviennent pas moins de 58% de leurs buts ! Ils ont notamment le chic pour se faire mettre à terre plein axe, que ce soit dans le rectangle ou en dehors, et dès lors obtenir un penalty ou un coup franc bien placé. Mais ils sont aussi très adroits sur corner et ont même marqué après une rentrée de touche.
Le reste des buts, en toute logique vu ce qui précède, vient d’actions consécutives à une domination en possession de balle. C’est généralement le fruit d’une construction patiente, mais ça peut aussi venir d’une accélération soudaine. Vous l’aurez compris : pour être dangereux, les joueurs à la croix bleue veulent s’installer dans le camp adverse. Et comme ils peinent quand même à mener leurs actions à terme, ils n’hésitent pas à provoquer… Attention à ne pas tomber dans le piège.
L’autre force monumentale de l’attaque de Cruz Azul, c’est son jeu de tête. Rendez-vous compte : 42% de ses buts de l’année ont été propulsés au fond des filets par le crâne d’un de ses joueurs ! La défense montréalaise devra donc être impériale dans le jeu aérien, rien de moins. Ils cherchent souvent une tête en zone centrale, parfois en deuxième zone, plus rarement en première (ce qu’on appelle plus fréquemment “au premier poteau”). Pour ajouter une couche à cet avertissement, notons aussi que l’adversaire de Montréal se sert aussi du jeu aérien pour prolonger des ballons dangereux vers un équipier placé en situation de marquer.
Ainsi, donc, on a affaire à une équipe dont les forces majeures sont clairement identifiées. Sauf que pour les mettre à profit, elle est capable d’une grande variété. Et c’est donc là aussi que réside le danger. Se concentrer sur les principaux atouts de l’adversaire, c’est peut-être aussi s’y prendre tard dans le processus… et puis bon, ce sont ses forces, ce sera donc d’autant plus difficile à déjouer. Mais affronter le problème à la source multiplie les variables… Un beau casse-tête pour Wilfried Nancy.
Si le tombeur du Forge FC est bon de la tête, vous vous doutez qu’il n’hésite pas à envoyer des centres aériens. Mais attention aussi aux ballons au cordeau, il y a souvent quelqu’un à la retombée… Et puis, Cruz Azul est tout sauf maladroit dans les combinaisons de passes. Même si on a souvent vu des mouvements plus esthétiques que le geste final…
Il faut dire que ses buteurs ne font pas forcément feu de tout bois ces dernières semaines. Pour le moment, un homme vient cependant compenser cette méforme : le médian Carlos Rodriguez, qui aime s’infiltrer pour reprendre des centres de la tête, mais est aussi très mobile pour offrir des passes décisives dans différents types d’actions. Attention aussi au coup de patte de Juan Escobar. En outre, rien ne dit que les buteurs ne se réveilleront pas sous peu et leur léger sommeil montre encore mieux que le danger peut venir de tout le monde…
Cela dit, on a aussi remarqué quelques tendances. Même si Cruz Azul n’est pas maladroit sur les flancs, il aime procéder par l’axe. Peut-être parce qu’il sait qu’en étant moins efficace devant le but dans le cours du jeu en ce moment, il pourra mieux s’y procurer des phases arrêtées bien placées. Il ne cherche pas non plus à monter le ballon très haut rapidement… sans toutefois se cantonner à construire à plus de 20 mètres du but adverse avant d’envoyer une passe décisive. Variété, qu’on vous disait ! Et celle-ci est aussi présente dans le temps, puisque les 19 buts inscrits sont bien répartis tout au long des 90 minutes, à part peut-être en début de deuxième mi-temps (ce dont Montréal ne se plaindra pas vu ses deux dernières mésaventures en championnat).
Bon, pour se qualifier, il ne suffira probablement pas de ne pas encaisser (même si deux nuls blancs ne sont jamais exclus, ce n’est pas trop le genre de la maison bleue), il faudra aussi marquer. Et là, on aura tout sauf une défense de fer en face. Le hic, c’est que les recettes pour la percer sont rares (mais elles marchent vraiment très bien).
Première exigence quasiment indispensable : être capable de porter le ballon très haut. Ce n’est pas compliqué : le moment clef de la construction de 77% des buts encaissés par Cruz Azul a eu lieu à moins de 20 mètres de la ligne de fond ! Et dans le cours du jeu s’il vous plaît, puisqu’il n’y a ni corner ni penalty dans le lot.
Point d’appui très avancé ou latéraux qui montent très haut, peu importe, mais c’est quasiment une condition sine qua non pour mettre la défense adverse en péril. Et ça ne veut pas dire pour autant qu’il faille ensuite s’y cantonner : on a vu quelques actions où cette stratégie permettait de faire reculer la défense qui, inattentive, laissait de la place pour une passe en retrait et un tir de loin très dangereux.
Deuxième nécessité, même si pas autant que la précédente : poser le jeu. Oui, on sait que c’est la norme au Mexique, mais quand même… Cruz Azul a pris 9 de ses 13 buts quand il était défensivement en place à attendre un adversaire construisant “à son aise”. Ça reste largement au-dessus de la moyenne. En revanche, cette équipe encaisse très peu sur phase arrêtée. Toutefois, elle est friable en perte de balle, et donc se reconvertir rapidement pour partir en contre pourrait lui causer quelques ennuis.
Les moments des buts encaissés sont aussi particulièrement intéressants : six dans le dernier quart d’heure, six dans la première demi-heure… et un seul entre temps ! En ce sens, il est à noter qu’en début de match, les rencontres de Cruz Azul sont souvent animées… dans tous les sens. Mais en fin de première mi-temps, les Cimentiers sont encore capables d’accélérer pour étouffer leur adversaire. Après la pause, c’est tout le contraire : on commence généralement par un calme plat, et les fins de rencontre peuvent s’avérer difficiles.
Si l’axe semble légèrement plus solide et le flanc gauche légèrement plus friable, on ne note aucun côté par lequel il est plus aisé ou impossible de passer. Idem pour la façon d’arriver au but en construction : les centres peuvent causer des ennuis mais les combinaisons de passes encore plus. C’est là qu’il conviendra aussi d’être rusé, car un joueur bien placé au cordeau fait souvent très mal à cette défense qui, quand elle réfléchit à son recul, semble parfois manquer de repères. Elle n’est pas non plus toujours exempte de tout reproche sur le jeu de tête. Enfin, sans que ça ne doive être considéré comme faiblesse, on a noté quelques erreurs et des retards de réaction au rebond, pas forcément fréquents mais dont il est néanmoins possible de profiter.
Cruz Azul constitue donc un obstacle plus solide que Santos Laguna, mais pas infranchissable. Il faudra pour y parvenir être très attentif sur phase arrêtée, et idéalement éviter d’en concéder, et contrer son jeu aérien sont en étant meilleur de la tête soit en coupant l’approvisionnement à la source, ce qui risque de ne pas être évident car elle est constituée d’un jeu de construction varié. Afin de faire plier sa défense, faire monter le ballon très haut semble quasiment indispensable, poser son jeu sera très utile, tout comme exploiter ses moments de faiblesse. Tirer profit de sa méforme du moment et du fait de jouer le match retour à domicile pourrait ne pas faire de mal non plus… Rendez-vous ces 9 et 16 mars pour le dénouement !
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