Alors que la période des transferts estivale s’ouvre officiellement ce jeudi, le CF Montréal a décidé de passer à l’action : avec les paroles sous forme d’une (brève) lettre aux airs de mea culpa envoyée tôt dans ma matinée, puis les actes, avec la signature d’un renfort en défense centrale, le Bolivien Efrain Morales, venu d’Atlanta.
Stupeur au réveil – sauf pour certains dont nous reparlerons un peu plus loin – avec un sujet sur tous les réseaux sociaux #CFMTL : une lettre publiée par le club et signée de ceux qui sont censés, derrière Joey Saputo, être ses trois hommes forts : Gabriel Gervais, ainsi que les frères Simone et Luca Saputo. Brève mais avec quelques mots-clefs.
Certains sont à redéfinir, à commencer par “victoire”. Ça veut dire quoi, “gagner”, aux yeux du club ? Soulever un trophée ? En MLS, il y a en fin de saison un ou deux (comptons le Supporters Shield) heureux élu(s) et 28 ou 29 “perdants”, même parmi les clubs les plus brillants. La Leagues Cup, c’est encore plus difficile, avec la présence de clubs mexicains. Quant à la Coupe du Canada, sans manquer de respect à la CanPL (surtout avec le scénario des saisons précédentes…), disons que viser à remporter cette seule compétition, c’est un peu “facile” (pas dans le sens où elle est facile à gagner, mais dans le sens du discours) quand on voit la concurrence. Être compétitif en haut du classement d’une saison à l’autre ? Non, c’était le discours de la direction sportive précédente (et honnie dans le moindre sous-entendu). On attend toujours, d’autant que le mot est martelé depuis plusieurs mois maintenant.
Certains semblent redondants (on passera ceux vides de sens) : “reconstruction” et “nouveau chapitre”, malheureusement, ne sont pas inédits. Cela a parfois marché – pensons à celle (uniquement sportive) qui a mené, à court-moyen terme, à la saison 2022, la meilleure du club en MLS, mais aussi à la relance post-faillite en 2002, qui a remis le club sur les rails financièrement et a été récompensée d’un titre en USL deux ans plus tard – parfois beaucoup moins (on vous laisse choisir les exemples). La stabilité sportive, que l’on pensait avoir trouvée au début de la décennie – c’est donc récent, les choses changent vite dans ce milieu – a ainsi malheureusement disparu. Cela suscite des interrogations.
D’autres sont encourageants. À commencer par “concrets” et “actes” (“Pas de paroles mais des actes, c’est ça l’Impact”, sur l’air d’un chant de leurs homologues de Feyenoord, aurait bien sonné dans le kop à une certaine époque, mais le nom a changé, et ce n’est pas un retour en arrière à ce sujet qui changera ce qu’on voit sur le terrain – mais cela est une autre histoire…) Toujours est-il que ces intentions clairement affirmées devront se concrétiser, avec de la qualité, à tous les niveaux du club. Les énoncer clairement, par écrit et officiellement, ne laisse place à aucune ambiguïté, faute de retour du bâton. Et les gens au club sont suffisamment intelligents pour le comprendre. C’est donc dans cette partie qu’il faut retirer le principal optimisme quant à la communication de ce mercredi matin.
Petite parenthèse, liée au début du texte et à la communication : ceux qui suivent le club et ne sont pas tombés de leur chaise en lisant “la lettre” ce matin sont ceux qui… étaient réveillés avant, malgré sa publication aux aurores. Et, dans les médias, ceux qui ont donc pu, voire dû, cravacher fort pour qu’à votre réveil, il n’y ait pas qu’un simple texte, mais déjà un débat lancé sur les réseaux sociaux. Quand on regarde l’initiative sous cet angle, l’heure de programmation du message est loin d’être saugrenue !
Alors, maintenant, concrètement, on fait quoi ? Revenons aux fondamentaux et au début de l’année. Certes, on sait que 2024 a valu surtout par deux bonnes périodes, qui ont d’un côté jeté un voile sur certaines réalités, mais d’un autre illustré que certaines bases n’étaient pas dénuées de tout fondement. On pense, évidemment, à la fin de saison en boulet de canon. La direction a déjà fait un grand ménage cet hiver, mais regardons quand même qui, de cette époque, était encore là en février.
Le gardien ? Oui. Les titulaires en défense centrale ? Oui. Le duo local adulé Piette – Saliba dans l’axe de l’entrejeu ? Oui. Les flancs ? Il y avait pléthore de choix, dont certains amenés par la nouvelle direction sportive. Les soutiens d’attaque, Clark et Duke ? Oui. Le buteur Martinez ? Non, mais il a été remplacé par Owusu, qui a trouvé davantage le fond des filets que lui cette saison, et Vrioni, sur qui on fondait beaucoup d’espoirs vu son salaire, assez exceptionnel pour le club ces dernières saisons. Corbo a été relayé par Neal, dont personne ne se plaint (à juste titre). Sans oublier l’expérience amenée par Herbers. Alors, cette équipe est-elle vraiment moins bonne que celle qui a pris 43 points en 2024 ?
Enfin, l’entraîneur Laurent Courtois ? Oui. Malheureusement, il est retombé dans ses travers des plus mauvaises périodes de la saison dernière et a été limogé. Il n’était pas prêt. Une erreur de casting, un pari qui en valait la peine mais n’a pas été réussi, appelez ça comme vous voulez, mais ça fait un peu penser à Jesse Marsch en 2012, avec une issue qui n’a pas de quoi choquer.
Marco Donadel est arrivé cet hiver comme adjoint en sachant très bien quels joueurs il y avait à la disposition de l’équipe. A-t-il dit alors que c’était insuffisant, comme il ne cesse de le marteler ces jours-ci, ou a-t-il laissé celui avec qui il était en concurrence pour le poste la saison dernière se planter afin de prendre sa place ? Autrement dit, pouvait-on parler de “loup dans la bergerie”, comme l’a fait Frédéric Lord à un moment où ça ouvrait un débat intéressant ?
Pour être franc, sur le moment, nous n’étions pas forcément en accord avec celui qui commente les rencontres du club aux côtés de Vincent Destouches, pensant que le club avait plutôt agit “par facilité (ce qui n’est pas forcément mauvais), ayant sous la main le successeur de Courtois au cas où les doutes émis l’an dernier se confirmeraient”. Mais quand on voit les divergences d’opinion entre les deux hommes – on ne peut plus évidentes sur le terrain – et les discours de l’entraîneur intérimaire, il y a de quoi y réfléchir à deux fois.
Enfin, les décideurs. Difficile d’en parler, on les connaît peu, hormis Gabriel Gervais et Joey Saputo. Beaucoup de supporters satisfaits par la lettre d’aujourd’hui parlent d’un début de transparence, qu’ils ne demandent qu’à voir confirmé. Espérons que ce sera suivi d’actes, pour reprendre un mot de ladite lettre…
Il y a, avec les faits recensés ci-dessus, suffisamment de points pour vous forger un avis au sujet de la plupart des gens en place (tant sur le terrain qu’en dehors) afin de poser les gestes concrets annoncés. À commencer peut-être par avoir un entraîneur n’ayant pas le statut d’intérimaire. Mais tel n’était pas l’objectif de notre énumération, elle visait davantage à effectuer un point de la situation, pour que vous, supporters, puissiez vous forger l’opinion la plus juste possible. Ajoutons donc qu’entre temps, deux titulaires sont partis – Saliba et Campbell – et que Sirois pourrait suivre, alors qu’un nouveau gardien a effectué le chemin inverse, Thomas Gillier.
Mais surtout, depuis la publication de la lettre, un premier geste concret (déjà dans les tiroirs depuis un moment, mais rien ne dit que le texte de ce matin et la déclaration d’intention qui l’accompagne ne l’étaient pas non plus) a été posé : l’arrivée d’Efrain Morales, défenseur central d’Atlanta âgé de 21 ans. À cette fin, Montréal débourse 450 000 $ de son allocation monétaire de base, somme qui pourrait monter jusqu’à 800 000 $. En cas de transfert, une partie du montant sera aussi reversée à Atlanta.
Oui, encore un jeune… en témoignent ses 12 apparitions en équipe première sous le maillot Géorgien, toutes compétitions confondues. Cela dit, il est international bolivien (6 sélections… pour la pire défense de la Conmebol, qui a donc besoin de renouveau) mais le plus encourageant est… le plus rageant à Atlanta, puisque de nombreux supporters y sont furieux de son départ, le considérant comme une pépite promise à un brillant avenir – déclaration qui a d’autant plus de valeur quand elle vient de gens dont l’effectif compte peu de joueurs que l’on décrit comme tels.
Il ne fait aucun doute qu’il s’agit du second d’une liste de renforts que l’on attend longue cet été (pour rappel, Bugaj, Clark, Pearce et Marshall-Rutty avaient été acquis lors du dernier mercato estival, alors que 14 changements supplémentaires ont été apportés à l’effectif cet hiver), y compris l’un ou l’autre élément permettant à l’équipe d’être plus expérimentée, voire de compter davantage de valeurs sûres en ses rangs. On ne demande qu’à voir !