Souvenez-vous, il y a un an, le grand méchant se prénommait Hernan. C’était de se faute si Mathieu Choinière avait pris une nouvelle dimension, si… euh, pardon, si l’équipe n’avait pas atteint les objectifs fixés, alors qu’il n’avait reçu quasiment aucun moyen pour y parvenir. Exit donc l’entraîneur argentin, et place à Laurent Courtois, qui avait l’avantage de connaître la MLS pour y avoir joué, et pour entraîner en MLS Pro – équipe ô combien inutile aux yeux du CF Montréal, pourtant. Sans oublier qu’il avait côtoyé Wilfried Nancy à Columbus et que nombre d’observateurs s’attendaient à ce que les deux entraîneurs français soient des clones l’un de l’autre.
Après avoir en 2023 une énième fois dans son histoire espéré de super résultats sans trop renforcer l’effectif, la direction a donné début 2024 les moyens de dépenser au secteur technique. Ainsi, il a solidifié les flancs avec deux vieilles connaissances, Ruan (haï des supporters à son arrivé, aimé lors de son départ quelques mois plus tard) et Edwards qui avait déjà joué ici, donné du poids au secteur offensif avec Yankov et Coccaro mais surtout Martinez, sans oublier le traditionnel bolognais portant cette saison le patronyme de Sosa et jouant en défense centrale.
On veut donner un nouveau visage à l’équipe, et il ressemble, en début de saison, au portrait de Dorian Gray lorsqu’il charmait voire envoûtait tout le monde. Sauf des adversaires qui s’attendaient à un Montréal timoré, travaillant avec patience le jeu de possession à la Nancy. Que nenni ! Dès le premier match en MLS, Montréal ne veut pas du ballon… mais ne veut pas non plus laisser respirer son adversaire, qu’il accule devant son but et pousse à la faute. Le style favori de Coccaro, qui s’en donne à cœur-joie, devient le chouchou du public, d’autant que les résultats sont au rendez-vous… dans un premier temps.
Car assez rapidement, les adversaires comprennent l’idée et il ne semble pas y avoir de plan B. En un coup de vent, tout fout le camp. Et tout le monde, aussi… Choinière demande à partir, et sera transféré en cours de saison, le directeur sportif Olivier Renard (suivi peu après par son adjoint Vassili Cremanzidis) et le club se séparent “d’un commun accord”, doux euphémisme devenu habituel dans le monde du sport, et même ceux qui restent s’en vont par moments, puisque les médias se font les choux gras de querelles entre l’encadrement technique et des joueurs avec pour blague sous-jacente : “Qui ne sera pas sur la feuille de match aujourd’hui pour des raisons extra-sportives ?”
On cherche désespérément le “style Courtois”, qui n’est de toute évidence pas le clone de Nancy (une intention qu’on lui avait prêtée car, pour prendre sa défense, lui-même n’avait jamais affirmé de tels propos), et les résultats sont désastreux voire humiliants par moments, avec quelques claques en championnat et une élimination en coupe face au Forge FC, jouant dans une division inférieure. Le printemps et l’été sont catastrophiques, l’équipe ne parvenant pas à gagner deux rencontres de suite durant plus de six mois.
Avec les changements à la tête du secteur sportif (qui, en fait, est en chantier), on profite du mercato pour modifier l’effectif, avec entre autres les arrivées de Bugaj, Pearce, Marshall-Rutty et surtout Clark. Malgré tout, la sauce ne prend pas et après deux défaites cinglantes fin août (0-5 contre New England et 4-1 à Cincinnati), les jours de Courtois semblent comptés. Cependant, il conserve la confiance des dirigeants.
Et soudain, c’est la révélation. Ou plutôt, la métamorphose… L’entraîneur, qui avait passé la saison à changer son onze à tout bout de champ, semble avoir bu pendant la mini-trêve internationale un thé vantant les vertus de la stabilité. L’équipe ne bouge presque plus, Clark brille de mille feux, Martinez, accusé de traîtrise quelques semaines plus tôt, marque comme il respire, et parallèlement, les autres équipes font du surplace.
Mélangeant les histoires de Wilde et de Kafka, dans ce qu’elles ont de meilleur et de pire, la saison régulière se termine ainsi en ordre utile, Montréal se qualifiant in extremis pour la phase finale de la saison, émergeant du “peloton de la médiocrité”, qualificatif dont Andrew Wiebe, journaliste d’expérience sur MLSsoccer.com, avait affublé certaines équipes, avec même le droit de disputer le tour préliminaire à la maison, contre Atlanta qui s’imposera finalement aux tirs au but.
Les tournants
16 mars
Après un brillant 7/9 lors de trois déplacements pas des plus simples et menant 1-3 à 20 minutes de la fin à Chicago, Montréal s’y écroule, la faute entre autres à l’exclusion d’Edwards et à un violent coup de vent qui surprend Sirois. Montréal rentre bredouille et commence une longue période de disette.
22 mai
Les choses vont mal, les supporters sont mécontents. Le 9 mai, le club a annoncé le départ d’Olivier Renard ; le 18, l’équipe se fait humilier 5-1 à Toronto… mais ce sont d’autres Ontariens, ceux du Forge FC, évoluant en CanPL, qui ajouteront une couche à la honte en éliminant Montréal en coupe du Canada grâce à une victoire au stade Saputo.
8 août
Malgré une élimination le lendemain en seizième de finale, la Leagues Cup a permis de souffler quelque peu, mais on sent que l’équipe ne tient pas la route. On ne le sait pas encore, mais ce jour-là constitue peut-être le tournant de la saison, puisque Caden Clark signe au club, et il le remettra sur les rails, en compagnie de Josef Martinez, pas vraiment en odeur de sainteté à l’époque puisque huit jours plus tard, Laurent Courtois allait parler de trahison de la part de son attaquant…
31 août
Pour ce deuxième match après une pause de deux semaines, Montréal se prend une deuxième râclée : après avoir été battu 0-5 contre New England, alors dernier de cordée, il perd 4-1 à Cincinnati… avant une nouvelle mini-trêve, moment lors duquel beaucoup de monde aurait misé sur un changement d’entraîneur. Et pourtant, Laurent Courtois restera à la tête de l’équipe.
2 octobre
À Atlanta, Montréal enchaîne pour la seule fois de la saison une troisième victoire de suite, et lors des trois rencontres, les buteurs se nommaient soit Clark, soit Martinez revenu en odeur de sainteté. L’équipe remonte au classement et profite du surplace des concurrents directs pour, malgré une défaite à Charlotte, terminer la saison régulière au-dessus de la ligne rouge. Mais au tour préliminaire de la phase finale, c’est bel et bien Atlanta qui émergera aux tirs au but au stade Saputo.
Les joueurs
Le noyau :Plus solide que la saison dernière en début d’exercice, mais en quête d’automatismes, entre les indénombrables changements effectués par Laurent Courtois parmi ses titulaires et les joueurs
punis et laissés en tribune pour manque de discipline à l’entraînement. Ce qui l’a rendu vraiment difficile à évaluer, même si on sait qu’il n’avait pas les qualités pour atteindre les sommets. La fin de saison a de quoi réjouir, mais elle concerne davantage un petit groupe de joueurs que l’effectif au complet.
Top : Samuel Piette. Soyons francs, personne ne le mérite vraiment, et s’il faut en attribuer un, trois joueurs peuvent le revendiquer. Le médian défensif, pour sa régularité, notamment pour avoir réagi positivement alors que Montréal était au fond du trou et que lui-même avait été privé de Copa America. Josef Martinez l’aurait obtenu s’il avait joué davantage, notamment en raison de tous ses buts importants, mais il a été trop souvent écarté de l’équipe. Caden Clark a sorti celle-ci des eaux troubles en fin de saison, mais l’échantillon est évidemment trop petit pour mériter un top sur la saison.
Flop : Mason Toye. Pas au point physiquement, découragé, passant souvent à côté de son sujet et avec des concurrents directs qui lui étaient supérieurs, sa seule option était d’aller voir si l’herbe était plus verte ailleurs. Son départ lors du mercato était la meilleure décision pour tout le monde. Dans cette catégorie, ne négligeons pas Lassi Lappalainen, titulaire à une seule reprise toutes compétitions confondues cette année et qui a davantage eu l’occasion de montrer ses qualités humaines à l’infirmerie que ses qualités sportives sur le terrain.
Le coach
Laurent Courtois : Présenté comme un nouveau Wilfried Nancy – ce qu’il n’a jamais revendiqué – on ne peut après une saison pas vraiment définir l’identité du jeu de son équipe, et ce qu’on a vu cette année était plus éloigné du style Nancy que ce qu’on avait vu sous Losada l’an dernier. Ses changements à tire-larigot n’aident évidemment pas à y comprendre quelque chose, et la fin de saison ne suffit pas à tirer un bilan positif : a-t-il trouvé sa marque ou toutes les étoiles étaient-elles bien alignées pendant quelques semaines ? Saura-t-il être régulier à ce niveau sur la durée, avec ce qu’impliquent la lourdeur du calendrier et les aléas d’une saison ? Réponse en 2025.
Tendances
Spectateurs (++) : Le stade a fait salle comble lors de presque toutes les rencontres cette saison. Si certains parlent d’effet Messi pour l’envol du nombre d’abonnements vendus, ce n’est certes pas totalement faux, mais s’il n’y avait que ça, on aurait eu beaucoup de soirées avec de nombreux sièges vides en comparaison de l’affluence annoncée. Ce ne fut pas le cas.
Ambiance (--) : Quand pendant une longue partie de la saison, on voit des joueurs être exclus de la feuille de match pour des problèmes disciplinaires à l’entraînement, il est évidemment impossible de parler de joie et d’allégresse. Vu la tête de Wanyama l’an dernier en raison de son temps de jeu, il ne devait pas non plus avoir un grand sourire. Sans oublier les départs, dans le fracas, de Mathieu Choinière et d’Olivier Renard.
Adaptation (+) : Clark a été une réussite, Ruan est passé d’ennemi public a aimé des supporters, Martinez a cassé la baraque même s’il s’est fait casser du sucre sur le dos, Coccaro a eu des débuts en fanfare avant de ne plus trop comprendre où était sa place, Yankov ne l’a jamais trouvée malgré quelques automatismes intéressants qui se dessinaient en début de saison, Edwards et Marshall-Rutty ont montré leurs limites, quant à Pearce et Bugaj, il faudra attendre la saison prochaine pour les évaluer à leur juste valeur.
Spectacle (=) : Si le nombre de buts marqués fut similaire à celui de l’an dernier, ce sont en fait les adversaires qui ont souvent assuré le spectacle, Montréal concédant huit défaites en encaissant au moins quatre buts ! Finalement, cette tendance à la stabilité n’est pas forcément bon signe…
Structure (-) :Ceci est évidemment un bilan de la saison 2024, basé donc sur cette dernière sans tenir compte de ce qui a été annoncé en fin d’année. Et quand tant le directeur sportif, qui avait enfin mis sur pied un projet clair, que son adjoint s’en vont dans un ping-pong de reproches avec le président, puis qu’ensuite, on ne sait pas vraiment qui fait quoi, difficile de parler de tendance positive. Espérons donc que la structure annoncée pour 2025 refasse pencher la balance du bon côté.
Les bilans de la saison 2024 sur ImpactSoccer.com
1.
Le bilan du club
2.
Les joueurs sous la loupe